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Cinerestor
7 novembre 2012

La foule de King Vidor

Un quotidien mortel

crowd 2

La foule est un film muet absolument unique et l'un des projets les plus personnels et les plus réussis du réalisateur texan King Vidor.

Avec La foule, Vidor ne veut qu'une chose, faire le portrait de l'Américain moyen. Il veut suivre son parcours dans New York, ville écrasante mais centre économique des Etats-Unis. Il commence avec la naissance d'un homme, John. Il montre sa naissance, son éducation, ses croyances d'enfant puis vient le début de la vie active, le mariage, le premier puis le second enfant et des désillusions à en perdre la tête.

Vidor aborde les différentes étapes de la vie de John avec un réalisme tout à fait singulier. Il dramatise et accentue évidemment les accidents de parcours et les moments de bonheur, mais il insuffle à son film un réalisme impressionnant Vidor a le sens du détail, que ce soit une parole, un objet, une situation ou même un simple geste. C'est cette perfection dans les détails qui donnent toute sa grandeur au film. Il n'omet rien et insère dans La foule ces petits moments de la vie anecdotiques qui signifient tant. Par exemple, la femme, Mary, qui durant la lune de miel essaye de prendre la pose la meilleure devant l'objectif de son mari. Il y a aussi dans leur habitat de fortune cette porte qui se ferme mal et qui vient rompre l'intimité de la salle de bain, exposant celui qui s'y trouve aux regards de ceux qui sont dans le salon. La bouteille de lait dont l'opercule, ouvert trop vite, libère une trop grande pression et asperge de lait John qui, déjà en colère, explose.

Vidor décortique, analyse, passe sous rayons X le quotidien de John et Mary et de leurs deux enfants. John est un jeune homme ambitieux mais dès le début du film, de nombreux plans insistent sur le fait que John n'est qu'un homme parmi tant d'autres dans la foule. La caméra s'attarde sur lui comme elle aurait pu le faire sur n'importe quel autre homme. Si pour lui, sa vie ne ressemble en rien à celle d'un autre (sa maison, sa femme, ses enfants, son travail, ce qu'il mange, où il fait ses courses, tout cela combiné fait de lui un autre humain singulier), en réalité, il connaît le même cheminement que les autres. Il connaît des heureux évènements mais aussi des tragédies. Sa petite fille meurt renversée par un camion. Pour d'autres, ce sera un autre type de décès ou bien un cancer, une faillite, etc.

Cependant, Vidor appuie dans La foule sur le misérabilisme qui touche la famille de John. La foule n'a pas pour but de dresser le simple portrait d'un Américain moyen. C'est un film touché par la crise. Les temps sont durs. John range petit à petit ses ambitions au placard et il accepte tous les travails qui se présentent. L'objectif est simple: faire vivre sa famille alors qu'auparavant, il s'était confortablement installé dans une routine tranquille et un petit confort.

La fin est terrifiante et pourtant si joyeuse. Toute la famille, après de durs moments, se retrouve riant à gore déployée devant un spectacle de variétés. Mais ce n'est qu'une pause, un moment de tranquillité avant de retourner affronter la tempête qui, elle, ne prend aucun jour de congé.

La foule est un film muet hors du commun et King Vidor est un auteur sensible qui traduit par une mise en scène moderne des thèmes sociaux et humains peu abordés de cette façon à l'époque.

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